Dans
un discours de réception à
l’Académie
Française,
Bergson définissait
la vraie démocratie
“un principe d’unification purement
rationnel”
– par opposition aux régime
de force, de sentiment ou de tradition . Et ce régimes
consiste,disait-il, “dans la communauté d’obéissance,librement
consentie, à une supériorité d’intelligence et de vertu”.
M.Lefür remarque que les
fondements premiers de la démocratie contemporaine sont: la
liberté de l’homme au sens actuel du mot et l’égalité de
nature. Cette conception est, elle aussi, en occident, d’origine
religieuse: “Tout homme,libre ou esclave,Grec ou Barbare,
Juif ou païen, a une âme immortelle, une conscience qui ne relève
d’aucun pouvoir humain ; tous les hommes possèdent donc, par ce
fait même, sans distinction de race ou de sexe, une égalité de
nature; ils sont égaux devant Dieu qui est leur commun Père: tel
est pour le Christianisme le fondement véritable de la fraternité
de tous les hommes”.( Lefür ,les Grands Problèmes du Droit
,p.530 ).
Mais cette égalité
d’essence, de droit, est doublée d’une inégalité de nature
. Car “ Ce que les faits nous permettent de constater entre
les hommes concerts, c’est surtout une prodigieuse diversité‚
aussi bien intellectuelle et morale que physique, donc des inégalités
de tout ordre” (Lefür); “L’Homme est, de beaucoup,
l’espèce sauvage la plus variable” ( Huxley , L’Homme ,
cet être unique ).Rappelez-vous aussi l’influence de
l’habitat de l’Espèce humaine qui est beaucoup plus étendue
qu’aucune autre espèce animale” , le monde d’évolution
lui-même –l’évolution humaine est réticulée et non
divergente comme chez l’animal − l’influence du milieu
physique et du milieu social sur l’individu et tant dautres
facteurs de différenciations. Souvenez-vous de l’histoire des gènes
et de leurs combinaisons presque indéfinies à la manière du
jeu de cartes que l’on mélange indéfiniment.
Et Lefür constate: “M.
Bergson, ici comme souvent, a été au fond des choses lorsqu’il
déclare que la démocratie moderne est d’essence évangélique
et qu’elle a l’amour pour moteur”. L’amour, et non la
contrainte, ou, si vous voulez, la contrainte amoureuse, la
discipline consentie.
Qu’est-ce qu’une Démocratie
Sociale?
Une Démocratie Sociale est
une Collectivité où se réalisent, dans le Social, les principes
que nous venons d’énoncer.
Par rapport au Social pris en
lui-même, ce sont les principes de l’efficience maxima à tout
moment, les principes de la justice Sociale dans l’ordonnement
des valeurs de la Collectivité et l’élaboration de leur hiérarchie
chie.
Une Démocratie Sociale est
caractérisée donc, pour reprendre la formule bergsonnienne: “par
la communauté d’obéissance librement consentie à une supériorité
d’intelligence et de vertu”. C’est la Société
socialiste sans classes — car une supériorité réelle
d’intelligence et de vertu n’a nullement besoin de se coaliser
en groupe ou en classe pour défendre sa position et ses privilèges.
Car elle possède en elle-même les fondements de son existence,
de son maintien et de son action .Car c’est sa supériorité
d’intelligence et de vertu qui est, pour elle, sa sauvegarde et
sa défense.
L’Elite, l’Elite véritable
détient ses prérogatives et ses privilèges de commandement de
l’Evolution biologico-sociale, de la Vie elle-même qui l’a élevée
au premier plan et lui a fourni les données et les instruments de
son ascension, de sa suréminence ou de sa déchéance.
Ce n’est pas à des Assemblées
de bavards ou à des masses ignorantes, inconséquentes et dociles
que l’Elite doit son élection, son élévation aux postes de
commandement de la Terre. C’est plutôt l’Elite qui s’est
choisie elle-même pour continuer le chemin de l’Evolution, pour
accomplir les finalités de la Vie Créatice, pour réaliser
l’Existence.
On ne devient pas un Chef: on
est né pour le commandement avec les virtualités, les vertus et
les déficiences en germes propres à ce genre de service .
Ce n’est que bien aprés que le Chef — à
quelque degré que ce soit de la hiérarchie sociale — a
librement opté ( par une espèce de vocation et volonté de
sacerdoce ) — pour le Dévouement, pour l’Honneur,la
Souffrance et l’ingratitude du sceptre temporel, ce n’est
qu’alors suelement que ses compatriotes se tournent vers lui
instinctivement, le choisissent et mettent en lui leur prédilection
.Il est désormais, et du moins, pour certains masses ignorantes,
— suivant ses capacités et dans la mesure de son efficience —
il est le jouet que l’on éléve quelquefois trop haut jusqu’à
l’idolâtrie, mais que souvent, l’on brise trop vite
l’instant d’après. Car tout est jeu dans l’univers — jeu
au sens profond du terme — et les Masses des Peuples ignorants
sont un peu comme les petits enfants; elles aiment bien
s’adonner à ce jeu néfaste: de tour à tour s’approprier le
chef et l’idole et puis de le détruire.
Kamal Joumblat
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